Ce gosse trainera sa malheureuse jambe pendant toute sa vie… Pourquoi le forcer à vivre ?
Le monde se passera bien de lui.
Tout en maugréant ainsi, le jeune étudiant en médecine, Thaddeus Marlin, poursuivait ses efforts de réanimation du petit bébé qui venait de naître avec une jambe considérablement plus courte que l’autre. Il souffla dans la bouche du nouveau-né, jusqu’à que celui-ci se mette à respirer de lui même. Il était sauvé.
Rapidement, il prit congé de cette famille pauvre où déjà neuf enfants étaient tassés dans un petit appartement très modeste. Il avait fait son devoir mais au fond de lui-même, il se demandait ce qui avait bien poussé à sauver un bébé qui resterait estropié pour toute sa vie, surtout dans ce foyer misérable où il y avait trop de bouche à nourrir.
Parmi ses camarades d’études, Marlin était connu pour ses opinions bien arrêtées, rarement partagées par les autres. Souvent, ses discussions allaient bon train sur l’euthanasie dans des cas de maladies incurables ou infirmités à vie.
« Le médecin a pour tache de guérir les malades, soutenait l’étudiant en médecine, et si rien ne peut les guérir, il vaut mieux qu’ils meurent ».
Et soudain l’épreuve…
Les années passant, T.Marlin abandonnait peu à peu ses opinions violentes…Il s’installa dans une ville industrielle et exerça la profession avec une grande rigueur.
Comme beaucoup de ses confrères, il était totalement absorbé par son travail presque nuit et jour. Constamment surmené, il s’acharnait à sauver des vies humaines mêmes là ou il ne semblait plus y avoir d’espoir.
Puis un jour, l’épreuve frappa à sa propre porte. Son fils unique et sa belle fille furent tués dans un accident de voiture, laissant Barbara, leur petite fille, orpheline. Dès lors, le médecin l’éleva comme son propre enfant et lui consacra tout son temps libre.
A l’âge de dix ans, Barbara tomba malade, se plaignant de douleurs étranges dans les bras et les jambes.
On se demanda d’abord si elle n’était pas victime de la redoutable poliomyélite, mais des examens approfondis permirent de découvrir qu’elle souffrait d’une affection tellement rare qu’elle n’était même pas traitée dans la plupart des ouvrages de médecine. Le Dr Marlin lui même n’en avait jamais rencontré un seuls cas durant sa carrière.
La petite fille fut examinée par plusieurs neurologues de grand renom, mais tous demeurèrent sceptiques, disant qu’il n’existait pour l’heure aucun remède à cette affection qui progressivement entrainerait une paralysie plus ou moins complète.
Ils purent quand même indiquer au Dr Marlin le nom d’un spécialiste qui depuis quelques années était installé dans une ville de l’ouest et qui avait ouvert une clinique pour y soigner des malades, atteints de diverses formes de paralysie. Son nom était T.Miller et il avait obtenu des résultats étonnants avec, dans certains cas, une guérison complète.
Sans tarder Marlin prit l’avion pour rencontrer ce médecin. Il fut très aimablement accueilli dans son bureau et au cours de l’entretien il put réaliser combien cet homme, encore jeune, se donner tout entier à un travail inlassable pour aider ses patients, ne se décourageant devant aucun cas.
Quand le passé lointain ressurgit…
Alors qu’il se préparait à le quitter, il remarqua que le Dr Miller boitait. » Cette jambe me rend pareil à mes malades », di celui-ci, ayant surpris le regard de son confrère.
« Je laisse les gosses m’appeler « Bancorche » puisque ça les amuse. En vérité, je préfère ce surnom à mon vrai prénom » Thaddeus », qui m’a toujours paru une peu ridicule. C’est que, comme il arrive à tant d’autres enfants, j’ai reçu le nom du jeunes étudiant en médecine qui m’a mis au monde ».
Le Dr Thaddeus Marlin pâlit. Soudain, il revit toute cette scène lointaine lorsqu’il avait été appelé pour un accouchement dans un foyer pauvre, rempli de gosses. Il rougit de honte en pensant à sa remarque irréfléchie devant le bébé qui avait une jambe plus courte que l’autre :
» Le monde se passera bien de lui « … Comme il avait été aveugle !!!
Il serra très fort la main de celui qui allaire fait tout son possible pour permettre à Barbara de marcher à nouveau, et dit :
« Il vaut mieux être estropié qu’aveugle »… !
Pasteur Stéphane Myngheer